Le cosmétologue a été de tout temps un chimiste avant la lettre, capable de préparer tous les ingrédients nécessaires à un système de signalisation corporelle et de communication sociale aussi vieux que l’humanité.  
Plus récemment, il est devenu un galéniste capable de créer des formulations complexes particulièrement agréables au toucher. Ce n’est que très récemment que le cosmétologue est devenu également un biologiste. Cette mutation a été la conséquence de deux préoccupations : fabriquer des cosmétiques dénués de toute toxicité, prévenir     le vieillissement cutané et, mieux, redonner à la peau un aspect plus jeune. Cette dernière préoccupation est directement liée à l’image négative que notre époque a du vieillissement et souligne l’interaction forte entre la gestion de l’image de soi au moyen des cosmétiques et l’image que la société renvoie de l’individu.
Plus récemment encore la cosmétologie a pris une place de choix dans la prévention des agressions cutanées et des cancers qui en résultent, et dans la stimulation des processus de réparation de la peau après agression. Cette évolution rapproche toujours plus la cosmétologie de la dermatologie. Aujourd’hui, la cosmétologie s’attache à assumer une quadruple mission de décoration, de soin, de prévention et de réparation. Son territoire est celui de la physiologie cutanée et de tout ce qui peut permettre à la peau de rester en bonne santé.
Gérer l’image de soi
La cosmétologie s’associe à la coiffure, à l’habillement, à la parure et aux parfums dans la palette des moyens dont l’humanité s’est dotée pour gérer l’image de soi. Depuis que l’humain a émergé de l’animalité, il modifie son image corporelle pour communiquer à travers celle-ci.
Cette première mission de la cosmétologie, l’art de gérer l’image de soi, peut prendre une réelle importance dans le domaine de la santé : par exemple, la mise au point espérée de cosmétiques adaptés aux sujets âgés, leur permettant, non pas de rajeunir mais de rester séduisants, est un objectif de santé : chacun peut observer la corrélation entre négligence corporelle, dépression, désocialisation et perte des facultés intellectuelles et affectives chez les grands vieillards.
Tous ceux qui ont été gravement malades savent à quel point la toilette fait partie intégrante des soins ; c’est la reconnaissance physique, concrète, de la dignité du corps souffrant. L’apparition des salons de coiffure dans les hôpitaux témoigne de cette prise de conscience. Depuis peu, des esthéticiennes prolongent cette démarche dans des services de cancérologie et de psychiatrie, témoignant de l’importance, au cœur de la démarche de soin, de la prise en considération de la personne et de son image. À travers ces objectifs nouveaux, la cosmétologie de décoration retrouve son identité culturelle et une dignité quelque peu ébréchée par une communication pseudo-scientifique trop souvent outrancière.
Soigner la peau
Les produits cosmétiques n’ont pas pour seule mission de parfumer et de décorer, ils ont aussi pour mission de soigner, de maintenir en bonne santé dans le meilleur état possible notre surface, la couche cornée, cette enveloppe qui nous dessine et nous protège. Nettoyer, assouplir, hydrater, renforcer cette pellicule superficielle est important pour la santé. Il suffit pour s’en convaincre de rencontrer un enfant souffrant d’eczéma atopique avec sa peau rêche, ses démangeaisons, ses joues rouges et fissurées, sa couche cornée sèche et poreuse (20 p. 100 des enfants en Europe).
Cette mission de soin peut-elle être remplie par un simple traitement de surface n’ayant aucune activité pharmacologique sur la peau vivante sous-jacente ? Le seul fait de mettre un cosmétique sur la peau modifie les réponses cellulaires et moléculaires de l’épiderme et du derme. Par exemple, l’application à la surface de la peau d’un simple produit gras, imperméable, comme la vaseline, freine les divisions cellulaires à la base de l’épiderme. L’eau appliquée à la surface de la peau modifie l’activité de certaines enzymes de l’épiderme. La prise de conscience, déjà ancienne dans un pays comme la France, de l’activité biologique des cosmétiques a été très riche de conséquences : développement de la recherche pour comprendre et utiliser au mieux cette activité, promotion de l’étude de la peau saine sur le plan biologique, et, sur le plan clinique, découverte récente d’une séméiologie permettant de décrire les différents types de peaux saines avec, à la clé, l’évolution vers une prescription cosmétique individualisée.
Prévenir les maladies
Soigner la peau normale c’est aussi la protéger des agressions : des irritants, des détergents et, bien sûr, et surtout, du soleil. Les cosmétiques sont au cœur de la prévention contre les agressions responsables de nombreuses maladies cutanées (cancers, eczémas, psoriasis…). Ils sont au cœur du dialogue entre santé et environnement dans toute sa complexité. Les agressions, en effet, sont ambivalentes : à petites doses elles stimulent les capacités de défense, à fortes doses elles tuent. L’évolution de la vie s’est faite de l’agression subie, destructrice, vers l’agression utilisée, domestiquée, transformée en source d’énergie : la domestication de l’agression solaire par la photosynthèse en est un bel exemple.
Contre les facteurs agressifs, la protection totale est impossible et la faire espérer est dangereux ; c’est favoriser les expositions chroniques et les risques associés : photovieillissement et cancers cutanés. La cosmétologie de prévention doit donc relever un double défi : celui de la recherche, nécessaire pour comprendre les dommages cellulaires et moléculaires provoqués par les agressions aiguës et chroniques et mettre au point des parades efficaces, mais aussi celui de la communication car, en l’absence d’éducation associée, un produit de prévention risque d’accroître paradoxalement l’exposition au risque dont il protège. Cette éducation, bien au-delà de la simple information, doit s’attacher à modifier les comportements avec l’aide, nécessaire mais non suffisante, des cosmétiques de prévention.
À travers cette recherche, la cosmétologie évolue : de la conception de simples produits protecteurs posés sur la peau, on passe à une véritable cosmétologie active avec des produits destinés à stopper la cascade des événements moléculaires provoquée par les agents nocifs (le développement des antioxydants dans le domaine de la protection solaire en est un bon exemple). De la simple information sur le produit vendu, on passe, on devrait passer, à un processus éducatif permettant au consommateur d’intégrer l’utilisation optimale du produit dans un ensemble de connaissances sur le couple environnement-agression (celle qui est liée au soleil, par exemple) et sur sa propre peau. Cette démarche (où recherche et communication iraient de pair) devrait rendre possible, en complément de la prévention collective, une prévention individualisée. Cette dernière nécessitera l’intervention d’experts capables de situer l’individu sur une échelle de risque et de proposer une protection adaptée. Il est intéressant de noter qu’une évolution tout à fait parallèle s’est produite dans un autre domaine, celui de la nutrition, aboutissant à des modifications majeures dans les comportements alimentaires des Français
Revitaliser la peau
Les progrès rapprochant la cosmétologie de la dermatologie sont peut-être plus sensibles encore dans son quatrième champ d’application, le plus récent, la cosmétologie de réparation. Il s’agit de produits destinés à aider la peau à retrouver son homéostasie, son équilibre biologique, sa bonne santé, après une agression aiguë ou chronique. Il ne s’agit plus seulement de prévenir les dommages mais d’en réparer les conséquences. L’étude des effets des cosmétiques sur une peau agressée ouvre le champ à une cosmétologie dynamique plus proche encore du vécu du consommateur. Elle va concerner, sur le plan conceptuel et méthodologique, l’ensemble des produits cosmétiques et nécessiter le développement de nouvelles méthodes d’évaluation originales : une révolution en perspective.
Dans cette conjoncture, le consommateur a besoin d’être guidé et protégé : si la frontière entre le cosmétique et le médicament tend à s’effacer, la garantie d’un contrôle d’efficacité et d’innocuité préalablement à la mise sur le marché semble devoir s’imposer.
En l’état actuel des choses l’absence de lisibilité des listes d’ingrédients ouvre la porte à des confusions, car les dénominations ésotériques ou exotiques affichées n’offrent à l’utilisateur incompétent aucune référence pour caractériser un mode d’emploi et éviter des effets indésirables, alors que ces produits sont disponibles en vente directe.
Notons encore que la plupart d’entre eux ne mentionnent aucune date de péremption : que la parapharmacie se rallie sur ce point à la norme applicable en pharmacie serait de bon augure. Bien évidemment les conseils des professionnels de santé peuvent lever ces difficultés pour peu que la clientèle le demande.
Article tiré du site www.universalis.fr